lundi 25 octobre 2010

A PRENDRE A LA LETTRE






23/10 > 28/11/2010 - VILLA TAMARIS CENTRE D'ART

A prendre à la lettre

Cet automne, le lettrisme est à l’honneur d’une exposition à la Villa Tamaris Centre d'Art.

Du 23 octobre au 28 novembre, le centre d'art de la Villa Tamaris présente une exposition retraçant l’histoire du lettrisme, mouvement indiscipliné aux accents révolutionnaires, à l’origine d’innovations esthétiques et conceptuelles déboussolantes.

« Le poète dilate les voyelles » comprend Isidore Isou, fondateur du mouvement lettriste, après avoir lu la phrase de Keyserling : « Le poète dilate les vocables. » Cette sentence agit comme une révélation. Un choc. Elle signe l’acte de naissance du lettrisme en 1945, mouvement artistique et littéraire d’avant-garde laissant éclore une nouvelle conception de la création, dont découle une transmutation de la culture dans son ensemble.

A ses origines : « la loi de l’amplique et du ciselant », une interprétation inédite de l’Histoire de la poésie, dont l’évolution se subdivise, selon Isidore Isou, en deux phases. Depuis Homère jusqu’à Victor Hugo, elle s’intensifie, s’accroît en lyrisme et en puissance versificatrice, se dépasse: c’est, selon le théoricien lettriste, la « phase amplique ». Puis, de Baudelaire à Tzara, en passant par Rimbaud et Lautréamont, elle s’émiette, se morcelle, s’autodétruit peu à peu. Au cours de cette « phase ciselante », la poésie est dépouillée de son contenu signifiant, destituée en ces composantes infimes. Ce qui subsiste en dernière instance : la lettre, en tant que particule première et fondamentale, érigée en principe suprême par les lettristes.

Cette théorie se transforme en principe de compréhension de tous les arts, qui se voient réduits à leur formes d’expression les plus pures. Ce moment de fragmentation est conçu comme étape suprême de l’évolution des arts, créateur de vérité en tant que vecteur d’anéantissement du spectaculaire. Les propositions se décuplent: peinture hypergraphique, épousant l’ensemble des signes de communication, montages discrépants au cinéma, fruits de la disjonction entre son et image, ou encore photographie esthaïperiste, quittant le domaine de la reproduction pour se constituer dans le mental des spectateurs. Des arts du spectacle à l’architecture, les formes d’expression témoignent d’une richesse prolifique. Elles fusionnent entre elles, s’interpénètrent, allant jusqu’à épouser tous les champs du Savoir, de la philosophie à la science. Un système d’interprétation du monde inédit voit alors le jour, élaboré autour de la notion centrale de création, comprise comme ce qui subjugue l’art dans la vie même. Au confluent entre éthique et esthétique, les explorations lettristes se déploient alors comme quête de l’imprévisible nouveauté, recherche joviale de l’inconnu qui viendra subvertir le réel.

Car si le lettrisme repose sur un socle théorique solide, l’exaltation euphorique de la vie, folie joyeuse et ivresse révoltée, joue un rôle central pour Isidore Isou, Gabriel Pomerand, Roland Sabatier et les autres. Artistes et penseurs, les lettristes étaient aussi une bande de trublions rigolards à l’énergie provocante. De distributions de tracts en interventions chaotiques, ils prônent la réinvention du monde en multipliant happenings et petits scandales. Ainsi, en 1950, ils investissent la cathédrale de Notre-Dame et annoncent la «mort de Dieu» pour célébrer Pâques. Un an plus tard, ils débarquent au festival de Cannes et projettent leur film Traité de Bave et d’Éternité, puzzle d’images hachurées, sons saccadés et poèmes onomatopées, compilation de morceaux récupérés dans les poubelles du Service Cinématographique des armées. En synergie étroite avec son élan créateur, le lettrisme, mouvance à «l’écume scandaleuse», exhale un souffle profondément libérateur, une puissance revendicative et émancipatrice.

La Villa Tamaris Centre d’Art (La Seyne sur Mer) propose de prendre acte de cette effervescence grâce à son exposition Lettrisme, vue d’ensemble sur quelques dépassements précis, qui se déroule du 23 octobre au 28 novembre. De 1945 jusqu’à aujourd’hui, l’exposition retrace les différents moments de l’Histoire lettriste grâce à un florilège d’œuvres représentatives, issues en grande partie des arts visuels. Sans prétendre embrasser le mouvement dans sa globalité – ce qui serait impossible - il s’agit d’offrir un panorama de la pluralité foisonnante de ses propositions afin de pouvoir rendre compte de la singularité de cette école de pensée. En retraçant sa dynamique créative, l’exposition révèle son importance artistique, dont les survivances imprègnent toujours profondément notre présent. Son héritage se reflète, en effet, dans de nombreuses formes créatives: Situationnisme, Nouvelle vague cinématographique, poésie sonore, performances, Body-art, art conceptuel…

Grâce à cette exposition, le commissaire Roland Sabatier, également un artiste-clé du lettrisme, livre un vibrant hommage à ce collectif d’artistes trop longtemps relégués dans l’ombre, dont le slogan d’après-guerre semble cependant si justement résumer notre époque: «Si vous ne sauvez pas la jeunesse, la jeunesse vous perdra!»

>Exposition Lettrisme, Vue d’ensemble sur quelques dépassements précis à la Villa Tamaris Centre d’Art (La Seyne sur Mer) du 23 octobre au 28 novembre 2010.

Marina Skalova

A prendre à la lettre Texte extrait de le "Le site indiscipliné" MOUVEMENT.NET LIEN: http://www.mouvement.net/levrac-216329-a-prendre-a-la-lettre

23/10 > 28/11/2010

VILLA TAMARIS CENTRE D'ART


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