vendredi 15 mars 2013

ECHOS SUR LE CINÉMA HYPERGRAPHIQUE AU CENTRE POMPIDOU


Entretien avec Eric Monsinjon réalisé par Anne-Catherine Caron le 14 mars 2013.
Anne-Catherine Caron : - Tu as assisté, lundi 11 mars, à la séance de cinéma lettriste où étaient programmés des films d'Isou, de Lemaître et de Sabatier, au Centre Pompidou dans le cadre du Nouveau Festival dirigé par Bernard Blistène. En quelques mots, quelles sont tes impressions?
Eric Monsinjon : - Dans un premier temps, je crois que c'est la première fois qu'un musée national comme le Centre Pompidou consacre une séance au cinéma hypergraphique, le "cinéma des signes". Ensuite, j'étais très enthousiaste à l'idée d'assister à ce moment rare, c'est-à-dire de voir toute la force de ce cinéma qui reste, pour moi, aujourd'hui encore, la seule avant-garde.

A.C.C.  : - Comment était le public?
E. M. : - Le public était très mélangé, des jeunes, des plus vieux, des connaisseurs, des curieux tout simplement. La salle était pleine et ouverte à la découverte.

A.C.C. : - Moi-même, j'ai, souvent, tiré de nombreux enseignements de la diffusion de films lettristes, qu'en est-il pour toi ?
E. M. : Oui, parce qu'ils remettent à chaque fois en cause ce qu'on appelle le cinéma. Notre conception habituelle s'effondre devant ces films. Par exemple, le montage discrépant qui dissocie le son de l'image. Certains films renoncent à la pellicule et à la projection traditionnelle du film. La mutation des formes d'expression et de leurs supports me fascine littéralement.

A.C.C. : - Est-ce que cette sélection limitée à trois films hypergraphiques t'a éclairé sur ta compréhension de ce genre de cinéma?
E. M. : J'ai trouvé l'ordre de projection intéressant. D'abord, "Amos" d'Isidore Isou qui représente le premier film hypergraphique de l'histoire. Là, on voit le système hypergraphique se mettre en place, les images fixes rehaussées de signes peints et un texte lu par des acteurs présents dans la salle. La version que nous avons vue est en fait un enregistrement de l'événement, mais cela ne nuit pas à sa compréhension. Le film de Lemaître, quant à lui, développe d'autres aspects du signe, avec beaucoup d'œuvres visuelles et sonores de l'artiste. Enfin, celui de Sabatier, révèle une phase d'anéantissement radicale du système hypergraphique lui-même. Les signes visuels sont remplacés par leur description orale.

A.C.C. : - Quel est le meilleur souvenir que tu conserves de cette séance?
E. M. : - Grâce à cette séance, on a pu assister à la construction d'une forme nouvelle de cinéma, et également à sa destruction. Passionnant.

A.C.C. : - Cet événement s'est conclu par un long débat entre Bernard Blistène et Roland Sabatier. Selon toi, quel a été son intérêt?
E. M. : - Ce débat était très riche. Bernard Blistène a très bien présenté le lettrisme. Il a notamment dit à plusieurs reprises combien il avait apprécié le film de Sabatier. Ce dernier a donné beaucoup d'explications sur son film et aussi sur le lettrisme en général. Cela permettait à chaque fois de reclasser les choses, et d'éviter les confusions avec d'autres avant-gardes, comme le dadaïsme par exemple. C'était un débat très éclairant sur la rigueur intellectuelle nécessaire pour celui qui veut approcher le lettrisme.

Légende de la photographie : image extraite de la bande visuelle du film de Roland Sabatier, "Evoluons (encore un peu) dans le cinéma et la création" (1972) sur laquelle la bande sonore superpose la description orale des multi-signes hypergraphiques.

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